Pomme de terre ou Morelle tubéreuse (Solanum tuberosum L.)
SOLANACEES
Photos Pomme de terre
Bibliographie : [2, 11, 16, 24, 27, 28, 33]
Noms vernaculaires :
Parmentière, patate, truche.
Nom anglais : potatoe, white potatoe, irish potatoe.
Description botanique :
La morelle tubéreuse est une plante herbacée vivace atteignant 30 à 100 cm de
hauteur.
La tige est anguleuse, érigée, ramifiée et les stolons souterrains portent les
tubercules (qui correspondent à la pomme de terre telle qu’on la consomme).
Les feuilles sont velues, imparipennées et comportent trois à cinq paires de petites
folioles alternes et larges mêlées de folioles intercalaires et une grande foliole terminale.
Les fleurs sont généralement disposées par huit à dix en cymes bipares longuement
pédonculées. Elles sont blanches ou rosées à violet pâle.
Le fruit, présent d’août à septembre, est une baie globuleuse, verte puis jaune à
maturité, qui comporte un grand nombre de petites graines vert-jaunâtre.
Biotope :
Cette plante, présente dans le monde entier, est le plus souvent cultivée mais se
retrouve parfois à l’état sauvage.
Période de floraison :
Elle fleurit de juin à août.
Biologie :
La pomme de terre est originaire d’Amérique de Sud. Il existe aujourd’hui plus
de 3000 variétés de Solanum tuberosum cultivées à travers le monde.
Les tubercules comportent des bourgeons latéraux (couramment appelés les yeux) qui
assurent la reproduction végétative par formation de nouveau stolons et ainsi la pérennité de
cette plante dont la reproduction sexuée est anecdotique.
Parties toxiques de la plante :
Toute la plante est plus ou moins toxique : les parties aériennes de la plante (fanes),
les fleurs, les fruits ainsi que les tubercules verdis, germés ou gâtés sont les plus toxiques.
La toxicité est atténuée par ébullition si on élimine l’eau de cuisson dans laquelle
s’est concentrée la solanine. Les tubercules non germés et non verdis sont comestibles.
Principes toxiques :
La pomme de terre contient des glucoalcaloïdes stéroïdiques :
- Solanine : α-solanine (60%) et α-chaconine (40%)
- Solanidine libre (en moindre quantité)
- β et γ-solanine et chaconine (en moindre quantité) [28]
- Tormatidénol dans certaines variétés (en moindre quantité) [28].
La teneur en glucoalcaloïdes stéroïdiques est très variable selon les organes :
- Moins de 15 mg/100 g dans les tubercules bien conservés pour la plupart des
variétés, de plus ces alcaloïdes se concentrent dans la « peau » du tubercule (les
pelures contiennent 9 à 25 mg/100 g) et l’épluchage en élimine 60 à 95%.
- 20 à 40 mg/100 g dans les tubercules germés
- 40 à 100 mg/100 g dans les fruits
- 10 à 90 mg/100 g dans les feuilles
- 200 à 600 mg/100 g dans les fleurs
- Parfois plus de 500 mg/100 g dans les germes (40 à 1700 mg/100 g).
La teneur en solanine varie selon l’exposition lumineuse (ainsi une exposition de six
heures à la lumière la multiplie par quatre), les conditions de stockage (un stockage à
l’obscurité entre 9 et 15°C et dans une ambiance sèche assure une bonne conservation), l’état
des tubercules (toute altération même minime entraîne une augmentation de 200 à 300% de
la teneur en solanine) ainsi que les conditions météorologiques (de basses températures, une
forte pluviosité ou la pollution atmosphérique semblent favoriser la synthèse des principes
toxiques par la plante). De plus, certaines variétés sont plus toxiques que d’autres.
La pomme de terre contient également des calystégines A3 et B2 au niveau de la peau
du tubercule (elles se concentrent majoritairement au niveau des germes avec une teneur
supérieure à 400 mg/100 g).
Mode d’action :
L’α-solanine a une action irritante sur les muqueuses et une action hémolysante alors
que l’α-chaconine a une action inhibitrice sur les cholinestérases sanguines.
Ces deux principes toxiques ont également une action inotrope positive (ainsi que la β–
chaconine et la solanidine dans une moindre mesure).
Au niveau cérébral, ils provoquent l’augmentation de la pression du liquide céphalorachidien
et donc de la pression intracrânienne. Ils peuvent également provoquer des réactions motrices spontanées
(convulsions et pédalage).
Ils provoquent également des contractions intenses des fibres musculaires lisses ce
qui explique la diarrhée et les coliques.
Au niveau de l’appareil respiratoire, ils sont responsables, dans un premier temps, d’une
tachypnée suivie d’une bradypnée qui peut conduire à une cyanose et à la mort.
Enfin, la solanine inhibe les systèmes enzymatiques du métabolisme microsomal
hépatique des médicaments.
L’α-solanine et l’α-chaconine possèdent en outre des propriétés tératogènes par action
directe sur le foetus (hydrocéphalie, anencéphalie, exencéphalie, fentes palatines, spina
bifida, morts foetales ou avortements).
Pharmacocinétique :
Les glucoalcaloïdes stéroïdiques semblent posséder une certaine rémanence. Ils se
distribuent d’abord dans le foie et les reins puis dans la rate et les poumons.
Dose toxique :
Les doses toxiques sont peu connues. La DL50 serait de 500 mg de gluco-alcaloïdes stéroïdiques
par kilo et par voie orale chez le mouton (elle serait de 50 mg/kg en IV dans cette espèce).
Les troubles sont décelables à partir de 225 mg/kg par voie orale chez le mouton.
Circonstances d’intoxication :
Les appels au CNITV concernant la pomme de terre représentent 1% des appels de
toxicologie végétale pour les ruminants (1,3% des appels pour les bovins, 0,2% pour les ovins
et 0,4% pour les caprins).
Graph.87. Répartition des appels concernant la pomme de terre par espèce (données du CNITV : 39
appels)
Cette intoxication concerne plus particulièrement les bovins mais aussi les ovins et les
caprins dans une moindre mesure (sur les 39 appels au CNITV concernant la pomme de terre
chez les ruminants, 92% impliquent les bovins et respectivement 3% et 5% impliquent les
ovins et les caprins). En effet, l’alimentation des animaux de rente est un débouché
pour la vente de tubercules abimés, verdis, germés, gelés, coupés, non-conformes en forme ou
en taille, or ce sont ces tubercules là qui sont les plus toxiques.
L’intoxication survient donc lors d’ingestion en trop grande quantité de tubercules
verdis, germés, de vieilles épluchures de pomme de terre, voire de fanes (parties feuillues de
la plante). C’est une intoxication qui est aujourd’hui rare car les éleveurs utilisant les tubercules dans
l’alimentation des animaux de rente sont bien informés de leur éventuelle toxicité.
Graph.88. Répartition annuelle des appels concernant la pomme de terre (données du CNITV : 39
appels)
Elle survient surtout pendant l’automne lorsque les germes ont poussés sur les
tubercules ramassés l’année précédente. Les appels au CNITV concernant cette plante sont néanmoins plus
fréquents en février, en avril et en juin.
Signes cliniques :
On peut observer :
- Des signes généraux : prostration, abattement, indifférence, baisse de la
production lactée, amaigrissement
- Des signes digestifs : anorexie, inrumination, constipation puis diarrhée noirâtre
(ou séreuse chez les caprins), coliques, météorisation, tympanisme, ptyalisme
(salive visqueuse), stomatite
- Des signes nerveux : somnolence, vertiges, trémulations musculaires, ataxie,
faiblesse musculaire puis paralysie ascendante, coma
- Des signes cardio-vasculaires : tachycardie, pouls filant, accéléré
- Des signes respiratoires : bradypnée, dyspnée, jetage nasal
- Des signes oculaires : mydriase, blépharite, conjonctivite
- Des signes cutanés (en particulier à l’extrémité des membres mais pouvant se
généraliser) : eczéma vésiculaire, pustules, ulcérations, nécrose
- Des troubles de la reproduction : avortement et mortinatalité possibles.
Certains auteurs distinguent une forme nerveuse, une forme digestive et une forme
exanthémateuse, mais, en réalité, les signes digestifs succèdent aux signes nerveux dans les
cas graves (chez les bovins, les signes nerveux peuvent apparaître 12 heures après ingestion
alors que les signes digestifs apparaissent après 3 semaines de consommation) et la forme
exanthémateuse a été principalement décrite chez le porc et rarement chez les bovins.
Graph.89. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la pomme de terre
(n=39)
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV sont de
la diarrhée (23,1% des cas), de l’ataxie (12,8% des cas) et de la prostration (10,3% des cas).
Il faut noter que 25% de ces appels correspondent à une demande de renseignement et
seulement 18% concernent une intoxication certaine ou probable.
Signes paracliniques :
On peut noter de l’anémie et de l’hématurie chez les bovins.
Evolution :
Elle est en général favorable mais certains cas sont mortels. La mort peut intervenir dans les trois
à quatre jours suivant l’ingestion (des cas de mort subite sont rapportés dans 10,3% des appels au CNITV).
Lésions :
Elles sont non spécifiques :
- Anémie chez les bovins
- Gastro-entérite
- Congestion des méninges
- Néphrite et oedème périrénal
- Parfois : congestion hépatique et hypertrophie de la vésicule biliaire, congestion et
hémorragies cardiaques et spléniques.
Diagnostic différentiel :
Il comprend les affections et intoxications causant des signes digestifs et nerveux.
Diagnostic expérimental :
Il repose sur l’examen macroscopique et microscopique du contenu ruminal.
Traitement :
Le retrait de l’aliment suffit en général à assurer la guérison, mais on peut ajouter :
- Charbon végétal activé
- Purgatifs salins ou doux
- Perfusion
- Pansements digestifs
- Tanins PO (précipitent les principes toxiques dans le tube digestif)
- Toniques généraux.
Concernant la prévention de cette intoxication, on devra veiller à la bonne conservation
des tubercules distribués. La distribution de fanes fraîches ou leur utilisation en tant
que litière est fortement déconseillée.
Pronostic :
Le pronostic est en général bon.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 38% chez les bovins (pour
206 bovins exposés), 100% chez les ovins (pour 1 ovin exposé) et 100% chez les caprins (pour
2 caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 9% chez les bovins, 100% chez les ovins et il
est nul chez les caprins. Le taux de létalité atteint, quant à lui, 25% chez les bovins, 100%
chez les ovins et il est nul chez les caprins.